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L'influence des Joinville 1ère partie

John Marshall, 20 juillet 2023

The Joinville Family Influence Part 1

John Marshall, juillet 2023

La Famille de Joinville doit sans doute sa célébrité principalement à Jean de Joinville, le biographe du roi de France Louis IX, le fameux Saint Louis (1214 – 1270). Cependant, le frère cadet de l’hagiographe, Simon de Joinville, seigneur de Gex, jouera peut-être un rôle plus important qu'on ne le pensait dans l'histoire européenne, en particulier en Angleterre et dans le Pays de Vaud, à travers des liens familiaux et politiques complexes.

La première partie de cet article veut montrer pour quelles raisons nous avançons l’idée que l’acquisition à Yverdon par Pierre de Savoie (futur comte Pierre II) de la tour préexistante, dite « Tour de Monfaucon[1] » sera sans doute moins conflictuelle que ce que nous apprennent les sources traditionnelles.

L’histoire remonte aux mariages de Béatrice d’Auxonne, également connue sous le nom de Dame de Marnay (voir carte ci-dessous), issue d'une famille noble de la Franche-Comté de Bourgogne. Béatrice épouse Aymon de Faucigny en premières noces en 1210. Le couple aura une fille, Agnès, avant qu’il ne se sépare et divorce.

Après son divorce Béatrice se remarie, avant 1225, cette fois avec Simon de Joinville, noble originaire de de Champagne. Ensemble ils auront trois fils : Jean, Geoffroi et Simon. L'aîné, Jean, s’établira à la cour de Louis IX, et deviendra le célèbre biographe du roi capétien. Cependant, c'est la carrière des deux cadets qui intéresse les étudiants en histoire anglo-savoyarde.

En effet en 1234 la fille de Béatrice et de son premier mari, Agnès de Faucigny, épouse Pierre de Savoie, éloignant ainsi le Faucigny de Genève et amenant cette région dans la sphère d'influence savoyarde. Mais, comme Agnès est restée semble-t-il en bons termes avec ses demi-frères de Joinville (désignant Simon comme simplement son « frère » dans son testament[2]), elle liera la Famille de Joinville à la famille comtale de Savoie, et en particulier à Pierre de Savoie.

Les Archives Ducales de Gascogne, c’est-à-dire les archives gouvernementales de l'administration Plantagenêt de Gascogne, fournissent la preuve que des chevaliers bourguignons y ont servi, notamment à Bazas (en latin : Vastameu) en 1253 - 1254[3] lors de la guerre contre un certain nombre de nobles rebelles par le duc Henri - le duc Henri d'Aquitaine étant évidemment le roi Henri III d'Angleterre, dont l'oncle par alliance et conseiller important n’était autre que Pierre de Savoie. Le fait que Simon de Joinville soit répertorié parmi ces chevaliers, qui n'ont d'autre lien avec les Plantagenêt que Pierre de Savoie, est un indice qui permet de penser que Pierre doit les avoir amenés au service d'Henri. Guillaume de Pesmes, par exemple, l’un des membres de la Famille de Pesmes, proche voisin de Simon de Joinville en Franche-Comté, restera au service des Plantagenêt, retournant en Angleterre en tant que chevalier de la maison.


[1] De Raemy (2004), pp. 29 – 32.

[2] Regeste Genevois REG. 0/0/1/1034.

[3] RG i, Close Rolls 1253-1254. nos. 246, 2870, 3372, 3447. 

The Famille de Joinville is perhaps most famous for Jean de Joinville the biographer of King Louis IX. However his younger brother, Simon de Joinville, Seigneur de Gex may well have played a more significant part European history, particularly in England and the Pays de Vaud, than has been realised.

The first part of this article aims to put forward the idea that the acquisition in Yverdon by Pierre de Savoie (future Count Pierre II) of the pre-existing tower, called "Tour de Monfaucon[1]" may well have been less conflictual than previously thought, that the rapprochement between the Famille de Montfaucon and Famille de Savoie may be dated from the 1250s and so earlier than Pierre de Savoie's acquisition of rights to Yverdon in 1260.

Aymon de Faucigny had married Béatrice d’Auxonne in 1210, they had a daughter, Agnès before the couple separated and divorced. Béatrice d’Auxonne, also known as the Dame de Marnay was of a noble family from the Free County of Burgundy, once divorced by 1225 she had married once more, this time to Simon de Joinville from Champagne. They had three sons: Jean, Gefferoi and Simon. The eldest, Jean, would move to the court of the sainted Louis IX and become the famed biographer of the Capetian king. However, it is the career of the two younger sons that is of interest to students of Anglo-Savoyard history.

This is because Agnès de Faucigny marries Pierre de Savoie in 1234 thus bringing Faucigny away from Geneva and into the Savoyard sphere of influence. But, as Agnès remained it seems on good terms with her half-brothers Joinville (she referred to Simon as simply her brother in her will) then it also linked the Famille de Joinville and the comital family of Savoy, and in particular Pierre de Savoie.

The Gascon Rolls, the governmental records of the Plantagenet administration of Gascony provide evidence that Burgundian knights served there in 1253-4 during Duke Henry’s suppression of rebel nobles. Duke Henry of Aquitaine was of course also King Henry III of England, whose uncle and important counsellor was Pierre de Savoie. That Simon de Joinville is listed amongst the knights, who have no other connection to the Plantagenets than Pierre de Savoie is a clue to who brought them to Henry’s service. Guillaume de Pesmes for example was of the Famille de Pesmes, near neighbours to Simon de Joinville in the Free County. Pesmes would remain in Plantagenet service, returning to England as a household knight.

Quatre ans plus tard, en 1258, nous trouvons[1] une autre liste de chevaliers bourguignons. Ils sont convoqués à Oxford, pour le service au Pays de Galles, par le roi Henri III. Sur cette liste figure à nouveau Simon de Joinville. Il faut se souvenir que les Anglais ne l'appellent pas Joinville, mais Genvyle. Nous pouvons être sûrs que Genvyle est Joinville parce que le cadet des Joinville, Gefferoi, qui s’établira en Angleterre et trouvera un mariage avantageux avec l'héritière du Marcher lord[2] (seigneur de l’une des Welsh Marches) Maude de Braose - est connu en Angleterre sous le nom de Gefferoi, 1er baron de Geneville. L’installation de Gefferoi en Angleterre et son mariage avantageux sont bien sûr l'œuvre de Pierre de Savoie.


[1] CCR Henry III vol 10 1256-1259, 223-224, 297. 

[2] Le terme anglais « Welsh Marsh » (en latin médiéval : Marchia Walliae) désignait au Moyen-Âge les marches (régions frontières) entre l’Angleterre et le Pays de Galles, dans lesquelles les Marcher lords possédaient des droits spécifiques, exercés de manière semi-indépendante du roi d’Angleterre.

Four years later, in 1258, we find another list of Burgundian knights summoned to Oxford, for service in Wales, by King Henry III - on the list once more is Simon de Joinville. Except the English don’t refer to him as Joinville, but as Genvyle. We can be sure that Genvyle is Joinville because the middle Joinville brother, Gefferoi has moved to England, and found a good marriage to Marcher (Welsh Marches) heiress Maude de Braose - he is known in England as Gefferoi, 1st Baron de Geneville. Gefferoi’s move to England and his advantageous marriage were the work, of course, of Pierre de Savoie.

Dans les listes des chevaliers de 1253 - 1254 et 1258 figure également Richard de Mumbilliard, selon l’orthographe anglaise. Le Richard de Mumbilliard mentionné dans ces sources n’est autre que Richard IV de Montbéliard, frère cadet d'Amédée III de Montfaucon, qui cèdera ses droits sur Yverdon à Pierre de Savoie. On sait que Montbéliard et Monfaucon ne sont qu’une seule et même famille car lorsqu’en 1162 Thierry II de Montbéliard meurt sans héritier le titre revient à son gendre, Amédée II de Montfaucon. La Famille de Montfaucon était une famille de la haute noblesse bourguignonne possédant d'importantes propriétés foncières en Franche-Comté mais aussi dans le Pays de Vaud. En particulier en tant que seigneurs d'Orbe, ils détenaient des terres clés à la pointe ouest du lac de Neuchâtel, à Montagny et Yverdon.

Amongst the list of knights of 1253-4 and 1258 is also Richard de Mumbilliard as the English scribes describe him. Mumbilliard is to be identified as Richard IV de Montbéliard the younger brother of Amédée III de Montfaucon. When, in 1162 Thierry II de Montbélliard had died without heir the title had passed to his son-in-law Amédée II de Montfaucon. The Famille de Montfaucon were high Burgundian nobility with significant land holdings in the Free County but also the Pays de Vaud. In particular as Seigneurs de Orbe they held key lands at the southern tip of Lac de Neuchâtel at Montagny and Yverdon. Traditional Vaudois historiography has held that the Famille de Montfaucon and Pierre de Savoie were rivals, this dating from Amédée III de Montfaucon siding with Jean de Cossonay in the struggle with the Savoyards over the See of Lausanne. However, that Montbéliard was in Plantagenet service at the behest of Simon de Joinville and thus in turn Pierre de Savoie casts the 1260 acquisition of Yverdon by Pierre de Savoie in a new light.

L'historiographie traditionnelle vaudoise[1] considère jusqu’à aujourd’hui que la Famille de Montfaucon et Pierre de Savoie étaient rivaux, en raison de la prise de position d'Amédée III de Montfaucon en faveur de Jean de Cossonay contre Philippe de Savoie dans la lutte avec les Savoyards pour le siège épiscopal de Lausanne en 1240.

Cependant, le fait que Richard IV de Montbéliard, frère d’Amédée III de Montfaucon, est au service d’Henri III Plantagenêt à la demande de Simon de Joinville et de Pierre de Savoie éclaire l'acquisition d'Yverdon en 1260 par Pierre de Savoie sous un nouveau jour et pourrait laisser à penser que le rapprochement entre Pierre et Montfaucon, observé par de Gingins de la Sarra[2], se produira plus tôt que ce que l’on pense à l’heure actuelle.

En outre, le service militaire de Richard IV de Montbéliard pour le roi Henri III montre également que les avantages procurés par les relations anglaises de Pierre de Savoie pourraient bien avoir représenté davantage qu’une aide purement financière. Ce service pourrait également témoigner d’un réseau d'influence politique et militaire en Franche Comté, avec en son centre Simon de Joinville, beau-frère par alliance de Pierre, rappelons-le, réseau sans doute utile à Pierre dans l'acquisition d'Yverdon.

Dans la deuxième partie de cet article, nous discuterons de la théorie avancée par Margaret Howell et Jean-Pierre Chapuisat, que David Carpenter soutient également, selon laquelle la reine Alianor de Provence, épouse d'Henri III d’Angleterre, pourrait avoir joué un rôle important dans la libération du Lord Edward (le futur roi Edward I) de la captivité montfortaine lors de la Seconde Guerre baronniale en 1265. Le fait que Lord Edward se soit enfui au château de Ludlow, domicile de Geoffroi de Geneville, soulève des questions intéressantes quant à l'éventuelle implication de son frère Simon de Joinville et de l'oncle d'Alianor, Pierre de Savoie, dans cet épisode important de l'histoire anglaise.


[1] M. F. de Gingins La Sarra. 1857. Recherches Historiques sur les Acquisitions des Sires de Montfaucon et de la Maison de Chalons dans le Pays de Vaud. Lausanne : Georges Bridel Éditeur. 45-7. ; De Raemy (2004), pp. 27 – 29.

[2] Ibid.

Traditional Vaudois historiography has held that the Montfaucon family and Pierre de Savoie were rivals, due to the position taken by Amédée III de Montfaucon to favour Jean de Cossonay against Philippe de Savoie in the fight with the Savoyards for the episcopal see of Lausanne in 1240.

However, the fact that Richard IV de Montbéliard, brother of Amédée III de Montfaucon, was in the service of Henri III Plantagenêt at the request of Simon de Joinville and Pierre de Savoie sheds a new light on the acquisition of Yverdon in 1260 by Pierre de Savoie and could suggest that the rapprochement between Pierre and Montfaucon, observed by de Gingins de la Sarra, occurred sooner than had been thought.

In the second part of this article we will discuss the theory advanced by Margaret Howell, Jean-Pierre Chapuisat and lately endorsed by David Carpenter that Henry’s Queen Alianor de Provence may have played a significant part in the freeing of the Lord Edward (the future King Edward I) from Montfortian captivity in the Second Baronial War in 1265. That the Lord Edward fled to Ludlow Castle, home of the aforementioned Gefferoi de Geneville raises interesting questions as to the possible involvement of his brother Simon de Joinville and Alianor’s uncle, Pierre de Savoie in this important episode in English history.

 

2ème partie article importance Joinvilles évasion Edward

Jean Cotereel dans les sources pour Saillon

Jean Cotereel in Saillon Sources

triangle Gascogne - Savoie - Angleterre

Savoy - Gascogne-England triangle

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